Un jour triste pour la voile

Un jour triste pour la voile - par Jean-Pierre Kiekens

Aujourd'hui, les délégués du Conseil mondial de World Sailing sont invités à voter soit pour leur conscience, soit pour la course au large.

C'est un jour triste pour la voile.

(If you prefer to read this article in English, please click here)

Il y a quelques mois, on m'a raconté ce qui est arrivé à une régate internationale de premier plan dans une classe jeunesse. Le jeune athlète était clairement en tort, et il le savait. Devant le jury, il a tenté une explication, peu convaincante. La plupart d'entre nous sommes passés par là. Rien d'exceptionnel.

Mais ce qui s’est passé ensuite fut beaucoup plus intéressant. Le jury a expliqué en détail, de manière très pédagogique, ce que le jeune aurait dû faire. Dans ce cas particulier, il aurait dû abandonner la manche en question. Oui il y a eu sanction, il y a eu disqualification, mais bien plus important encore, le jury a agi de manière pédagogique, a bien bien expliqué sa décision et a fourni à ce jeune athlète une véritable leçon, une leçon pour la vie.

La leçon est simplement que, dans la vie, il est important de décider des bonnes choses à faire.

Le jeune a continué le championnat, et a d’ailleurs bien fait. La vie continue.

L' un des deux principes de base dans les Règles de Course à la Voile énonce clairement:

« Un principe fondamental de sportivité est que les concurrents qui enfreignent une règle effectueront rapidement une pénalité qui peut être d’abandonner. »

L' une des raisons pour laquelle la voile est un sport extraordinaire est que les jeunes sont très tôt amenés à connaître ces principes. Ils sont très tôt amenés à comprendre ce qu’est la sportivité.

Sans sportivité, il n'y a pas réellement de voile.

Maintenant, contrastons ceci avec la décision avec laquelle les délégués de World Sailing sont confrontés aujourd'hui à leur conférence téléphonique d’avant Noël, concernant l'avenir des classes olympiques.

Il est demandé aux délégués d’approuver le procès-verbal de la conférence de World Sailing de Sarasota, qui a eu lieu du 27 Octobre au 4 Novembre.

Ils sont notamment invités à approuver le vote sur la soumission 037-18, qui a mené au remplacement du Finn - qui pouvait trouver place à l’intérieur du concept de dériveur solitaire mixte approuvé en mai à Londres - par la course au large.

Suite à la publication par World Sailing des résultats du vote, qui était censé être un scrutin secret, une énorme controverse a surgi, en jetant le doute quant à la crédibilité même de World Sailing en tant qu'organe directeur du sport.

Voici quelques uns des problèmes clés, qui sont maintenant bien documentés:

- Au moins 4 délégués, sur 41, affirment que leurs votes ont été mal enregistrés à Sarasota. Ce sont 4 délégués qui avaient déclaré publiquement qu'ils étaient contre la soumission. Il y a en fait un cinquième vote litigieux, selon un rapport d'audit commandé par World Sailing.

- Les autorités nationales membres ont été informées après la réunion de Londres de mai 2018 qu’elles n’étaient pas autorisées à présenter de nouvelles propositions concernant les classes pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024, mais c'est exactement ce qui a été fait par le président de World Sailing, Kim Andersen, quand il a présenté la Soumission 037-18 à la conférence de Sarasota.

- Normalement, le président d'une assemblée doit rester impartial et éviter de promouvoir certaines positions; mais c’est précisément ce que le Président de World Sailing a fait depuis plus d'un an, en faisant la promotion de la course au large, alors que les autorités nationales membres avaient officiellement rejeté la course au large en mai dernier.

- Le rapport d'audit de la compagnie Haysmacintyre, commandé par World Sailing, n’analyse pas en profondeur l'intégrité du vote à Sarasota. Ce sont des comptables agréés et conseillers fiscaux, et donc pas le genre d'entreprise avec les compétences requises pour valider l'intégrité de ce vote contesté.

- Le dispositif électronique utilisé à Sarasota n’était pas un système de vote professionnel, sécuritaire, et fiable, mais plutôt un «Audience Response System» typiquement utilisé pour des présentations PowerPoint dans les salles de classe, avec de multiples témoignages de manque de fiabilité, et aussi avec des preuves filmées de dysfonctionnement lors de la conférence de Sarasota.

Il y a eu au cours des derniers mois beaucoup de tractations de derrière les coulisses. Cependant, toutes les demandes faites par les autorités nationales membres à World Sailing visant simplement à avoir un nouveau vote ont été rejetées par le Président et le Directeur Exécutif de l’organisation.

Il est clair qu'un nouveau scrutin ne parviendrait pas au nécessaire seuil de 75% des votes, et entraînerait un rejet de la soumission 037-18. Ceci signifierait un rejet de la course au large aux Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Mais l'approbation du problématique compte-rendu de la conférence de Sarasota n’exige lui qu'un seuil de 50% ...

Il faudrait seulement quelques minutes pour refaire un scrutin. Ou pour procéder à une ratification du vote de Sarasota. Mais cela ne se produira pas, parce que les partisans de la course au large savent très bien qu'ils perdraient.

En voile, quand vous êtes en faute, vous faîtes une pénalité de un ou deux tours, ou vous abandonnez la course, selon la situation.

C'est ce que les membres des jurys expliquent notamment aux jeunes, quand cela en vient à être discuté dans les salles de jury. Et c'est la bonne chose à faire.

World Sailing et ses alliés ne feront ni un tour, ni deux tours de pénalité, et sont peu susceptibles d’abandonner, face à la controverse du vote de Sarasota.

Cela est extrêmement grave, non seulement à cause de l'avenir des Jeux Olympiques, et en conséquence de la voile jeunesse, mais aussi parce que cela jette de sérieux doutes sur l'intégrité personnelle de plusieurs délégués représentant les autorités nationales membres.

Voter sa conscience durant cette conférence téléphonique exige simplement de voter contre le procès-verbal et de demander un nouveau vote, avec un système de vote véritablement fiable.

Mais malheureusement, les délégués du Conseil mondial de World Sailing seront amenés à voter soit pour leur conscience, soit pour la course au large.

C'est le triste dilemme auquel ils sont confrontés, de par la gouvernance discutable de World Sailing.

Ceci est un jour triste pour World Sailing. Beaucoup plus important encore, c’est un jour triste pour la voile.

C’est un jour triste pour les jeunes athlètes, qui méritent intégrité et bonne gouvernance dans leur sport.

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Ceci est une traduction de l'article "A Sad Day for Sailing."

Merci pour la lecture. Si cet article vous interpelle, merci de le partager.

Vous êtes aussi invité(e) à rejoindre ce groupe de discussion sur Facebook portant sur la voile jeunesse: https://www.facebook.com/groups/optimistopenbicsailing

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